La rubrique « ARTICLES » présente aussi des prises de position d’élus soutenus par le Camp de Base Citoyen, comme l’intervention de Pascal Clouaire au conseil municipal du 30 septembre 2024, sur la fermeture de la MJC Prémol par la Ville, une décision contraire aux principes d’éducation populaire que nous défendons.
Monsieur le Maire de Grenoble,
La fermeture prochaine de Prémol soulève de nombreuses questions sur l’avenir de l’éducation populaire dans notre ville.
Si des raisons administratives, économiques et techniques sont invoquées pour justifier cette décision, notre nouvel intergroupe envisage la situation sous un angle plus large, en réfléchissant à la place que nous voulons accorder à l’éducation populaire à Grenoble.
Cette fermeture met en lumière des enjeux qui dépassent le simple cas de Prémol. Elle appelle à une réflexion sur les politiques publiques à adopter pour préserver et encourager la participation citoyenne.
Prémol : un lieu d’éducation populaire et de mémoire collective
Depuis sa fondation en 1968, Prémol a été bien plus qu’un lieu d’activités culturelles ou sportives. Conçue à l’origine pour animer un quartier nouvellement construit, la MJC est devenue un véritable lieu de vie au cœur de l’éducation populaire, accueillant des générations de jeunes, d’adultes et de familles.
Les MJC jouent un rôle central dans le maintien du lien social, notamment dans les quartiers populaires. Elles ne se contentent pas de proposer des services, elles créent des espaces de participation citoyenne. Par exemple, dans l’atelier bois à Prémol, il ne s’agissait pas simplement de fabriquer des meubles ou de consommer une activité ; il s’agissait d’être ensemble dans une démarche co-construite, profondément émancipatrice.
C’est pour cette raison que cette fermeture pose problème. Elle remet en cause un principe fondamental de l’éducation populaire, tel qu’il a été porté historiquement par les MJC et par Prémol : permettre aux individus de s’émanciper, non pas en tant que simples usagers d’un service, mais en participant à l’élaboration des projets et des décisions qui les concernent.
Sans une anticipation politique des suites de cette fermeture, cela ne peut être perçu que comme une perte, non seulement d’un lieu physique, mais surtout d’un espace d’expression citoyenne. Une maison des jeunes et de la culture, comme celle de Prémol, n’est pas seulement un lieu de divertissement ou de prestations de services : c’est un espace où l’on apprend à participer activement à la vie collective, où l’on découvre les mécanismes de la démocratie locale, où l’on devient véritablement citoyen.
La disparition de tels espaces, sans réflexion politique sur l’après, signifie l’effacement d’une part de la démocratie locale.
Un lieu à réinventer
Bien entendu, la gestion d’un lieu comme celui-ci n’est pas sans défis. Au fil des années, les MJC ont vu leurs ressources financières et humaines diminuer. Il est vrai aussi que des erreurs ont pu être commises, tant au niveau associatif qu’institutionnel.
Mais plutôt que de s’engager dans une critique implacable et de fermer cet espace, il convient de réfléchir de manière constructive aux moyens de soutenir ces structures et d’éviter leur disparition progressive à Grenoble.
La question de l’éducation populaire est complexe et nécessite une coopération entre les collectivités locales, les associations et les habitants. Toutefois, la ville doit se poser la question du rôle qu’elle souhaite jouer dans la préservation de ces espaces associatifs et réfléchir aux moyens de les revitaliser. Fermer Prémol, c’est renoncer à réparer ce qui peut encore être sauvé.
Municipalisation ou gestion participative : quel avenir pour l’action culturelle à Grenoble ?
Dans de nombreux cas, les études montrent que lorsque des associations comme les MJC se retrouvent en difficulté, la tentation pour les municipalités est de reprendre la gestion des activités culturelles et sociales en les intégrant dans un cadre municipal.
Ce modèle peut certes garantir une continuité des activités, mais il pose la question de la participation réelle des habitants. En effet, lorsque la gestion d’un lieu culturel devient purement municipale, les citoyens sont considérés comme de simples usagers d’un service, au lieu d’être impliqués dans la conception et la mise en œuvre des projets par l’intermédiaire d’une association.
La municipalisation de l’action culturelle, paradoxalement, nuit à l’objectif d’émancipation. Pour nous, l’enjeu est de maintenir des dynamiques participatives dans les politiques culturelles, afin que les habitants ne deviennent pas de simples consommateurs de culture. À Grenoble, d’autres structures comme Cap Berriat ou la Bifurk ont su préserver cet esprit participatif en plaçant les habitants au cœur du processus décisionnel. Ces exemples montrent qu’il est possible de trouver un équilibre entre soutien municipal et gestion associative.
La fermeture de Prémol s’inscrit dans une logique où la ville, plutôt que de soutenir l’association pour lui permettre de surmonter ses difficultés, choisit de mettre fin à son activité. Est-ce vraiment la seule option ? N’y aurait-il pas d’autres pistes à explorer pour redonner vie à cet espace de participation citoyenne ?
Comment revitaliser l’éducation populaire à Grenoble ?
Plusieurs pistes peuvent être envisagées.
D’abord, il est possible d’imaginer des modèles de gestion partagée, où la ville apporterait un soutien financier et logistique, tout en laissant aux habitants et à l’association une large autonomie dans la conception des projets.
Ensuite, il convient de s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre. Il ne s’agit pas seulement de subventions, mais d’une réflexion sur l’accompagnement des associations dans la gestion quotidienne de leurs activités. Il ne s’agit pas de « municipaliser » les projets, mais de fournir les outils nécessaires pour que les associations puissent continuer à jouer leur rôle.
Enfin, la participation des habitants est un élément clé dans la revitalisation du projet. Le projet Prémol doit être un lieu où les citoyens prennent en main leur avenir et décident ensemble des projets qui feront vivre leur quartier.
Aujourd’hui, face à la fermeture, une question s’impose :
Comment pouvons-nous aider Prémol à porter à nouveau un projet d’émancipation culturelle pour les générations futures ? La réponse ne peut venir d’une seule entité. Elle doit être le fruit d’une réflexion collective, où la ville, les associations et les habitants travaillent ensemble pour définir un projet viable et fidèle aux valeurs de l’éducation populaire.
La solution n’est pas de fermer, mais de repenser et de reconstruire.