(RE)FONDER LA POLITIQUE CULTURELLE À GRENOBLE – Le sens ? (2/3)

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Ce texte en 3 parties est une réflexion – alternative à l’approche idéologique et administrative des mandats précédents – pour construire un projet municipal proposant un lien entre culture et éducation populaire.

Partie 1 – Définir le sens d’une politique culturelle dans son contexte social
Partie 2 – Une perte de sens
Partie 3 – Échec ou succès de la démocratisation culturelle ?

Une perte de sens

Les partis de gauche, plus précisément le P.S et le P.C., entre, les années soixante et quatre-vingts, avaient conduit dans les municipalités qu’ils dirigeaient, des politiques culturelles souvent inventives et dynamiques. Dès la fin des années quatre-vingt, ces dernières ont été affectées par une triple crise : sociale, économique et culturelle. Celle-ci semble avoir engendré une paresse de l’esprit (que les anciens appelaient acédia), mélancolie profonde, fixée vers un passé disparu, impuissante à penser l’avenir.

Avec le début des années quatre-vingt-dix, la politique culturelle des pouvoirs publics a coupé ses liens avec les phénomènes sociaux auxquels elle est confrontée ; elle a renoncé à combattre les inégalités sociales qui amplifient les inégalités éducatives et culturelles. De plus, cette crise a laissé dans l’ombre le phénomène artistique comme producteur de sens et de relations. Le pouvoir politique n’a reconnu dans l’objet artistique que sa réalité économique, source d’investissement et de ressources, et sa dimension spectaculaire, source de rayonnement symbolique et outil de communication.

Sur un plan national, comme sur le plan local, les pouvoirs publics ont fait le pari que la technique était susceptible de dénouer les blocages de la société ; que l’informatisation, se répandant dans tous les secteurs de la vie sociale, allait rendre transparent l’Espace public, celui où la délibération entre les citoyens et leurs modes d’association se manifeste. L’enfermement de la politique culturelle dans une catégorie administrative spécifique, sans ambition et sans souffle, a facilité sa banalisation et son instrumentalisation.

La situation et les conditions de la compétence culturelle grenobloise au XXIe siècle ont considérablement changé. D’une part, le transfert de la compétence sur les grands équipements culturels à la Métropole ; d’autre part, le changement politique représenté par la victoire, à Grenoble, de la liste conduite par Éric Piolle, a bouleversé la donne. Les Verts à Grenoble, faute d’une expérience et d’une réflexion en la matière, se sont limités à affirmer une opposition entre culture élitaire et culture populaire, sans jamais préciser de quoi, l’une et l’autre étaient constituées.

La conséquence immédiate, lors du premier mandat de Piolle a été de municipaliser le théâtre 145 et le théâtre de poche. La décision d’administrer directement les équipements artistiques s’est accompagnée d’une disqualification des artistes en les traitant de privilégiés – n’étaient-ils pas subventionnés ?
L’adjointe à la culture du premier mandat, les accusait d’être dépourvus de responsabilité citoyenne.

L’orientation donnant au politique un pouvoir qui ne s’embarrassait pas de concertation avec les acteurs culturels allait se poursuivre dans le second mandat. En 2020, une fois réélu, Éric Piolle et son adjointe, déléguée aux culture(s), avaient exprimé leur volonté de poursuivre la politique du mandat précédent, avec une justification de nature idéologique. Il s’agissait de réaliser « une révolution qui tournerait le dos à une politique élitaire pour faire place à une politique populaire ». En préliminaire à son entretien avec le journaliste de France culture, Frédéric Martel, le maire déclarait avec vaillance : « Malraux et Lang, c’est fini ! Les Verts veulent faire table rase du passé culturel et proposent une “nouvelle donne” ».

Le ton est donné, l’inspiration est claire : le maire se situe en position de leader prophétique. « Faire table rase du passé culturel ! » Pas moins.

Suite du texte : Partie 3 – Échec ou succès de la démocratisation culturelle ?