Cette série de 3 textes est une réflexion approfondie pour repenser la politique culturelle de la Ville de Grenoble , en explorant les relations entre institutions, artistes et citoyens.
1 – Relier liberté artistique et création
2 – Relier l’excellence artistique aux droits culturels
3 – Relier les lieux et les transitions
Relier l’espace urbain et ses habitants
L’autre image de Grenoble, à tort ou à raison, c’est son insécurité et sa violence. Une ville aux quartiers communautarisés, rongés par les règlements de comptes et les trafics de drogue.
Pourtant, la force de Grenoble c’est son réseau associatif dans tous les quartiers, les initiatives citoyennes, les solidarités de proximité, les réseaux d’engagements citoyens, l’accueil et le soutien aux migrants. Grenoble, ville-monde, est aussi une terre d’accueil riche de ses nationalités diverses, de ses cultures en présence etc.
Paradoxalement, elle concentre à la fois toutes les problématiques de ghettoïsation, de communautarisation et les initiatives d’intégration et de prise en compte des différences dans l’espace public.
Réinventer une politique culturelle de réseau
Au-delà des équipements culturels dont elle a la charge, il est essentiel que la ville prenne mieux en compte, les lieux « alternatifs » de proximité, de sociabilité, bars et café-concert, squats, espaces de concert ou de danse autonomes, ateliers d’artistes et d’exposition, espaces interdisciplinaires de coworking, commerces, etc., porté par la « société civile ».
Pour cela, il convient d’adopter une politique « rhisomatique » en encourageant, accompagnant et valorisant les capillarités, les coopérations, les relations de proximité, les initiatives de terrain, les temps forts partagés entre les milieux institutionnels et associatifs, entre les professionnels et les amateurs, entre les quartiers et leur identité, et les communautés qui les habitent et les font vivre.
Elles contribuent fortement à l’identité de la Ville, à son bien-vivre et son attraction, au « désenclavement » des quartiers, à la richesse de ses communautés et au partage de l’espace urbain, au-delà de ses usages fonctionnels d’habitation, de circulation et de consommation. Elles participent pleinement, de l’intérieur, à une sorte de « droit de cité » pour tous les habitants, sans exclusive.
La Ville tout entière devient un espace d’infusion culturelle, de « libre circulation » artistique, un espace des possibles.
Relier la culture aux transitions écologiques
La liberté artistique est aujourd’hui directement interpellée par la conscientisation des problématiques environnementales. Une responsabilité nouvelle des gestes artistiques apparait face à la compréhension de leur portée écologique, politique, sociale.
Il n’y a pas une discipline artistique, qui ne prenne en compte aujourd’hui les problématiques sociétales du réchauffement climatique, de l’inégalités d’accès aux ressources, de la disparition des écosystèmes, etc.
Les artistes se sont emparés depuis longtemps de ces thématiques qui traversent aujourd’hui avec force tout le spectacle vivant et les arts visuels. Leurs œuvres contribuent à une meilleure prise de conscience par le « sensible » des enjeux environnementaux auprès des publics, scolaires et groupes constitués.
L’art face aux enjeux environnementaux
Naturellement, ces enjeux environnementaux traversent également les problématiques de production, de tournée, de l’organisation évènementielle, dans tous les aspects de la filière culturelle.
Il est important toutefois de ne pas opposer les circuits courts et les circuits longs, la culture de proximité versus les échanges culturels nationaux ou internationaux. La culture continuer à se nourrit d’échanges et de rencontres, de l’« ida y vuelta » entre l’ici et l’ailleurs, qui supposent une nécessaire mobilité au-delà de son périmètre d’implantation.
Cependant, au même titre que l’État et les autres collectivités, la ville, dans son aide au secteur culturel et associatif, doit inciter à prendre en compte et accompagner au mieux cette transition devenue indispensable dans l’écoconception des œuvres, le recyclage, la circularité de l’économie de la production, la décarbonation des déplacements des artistes et des publics.
Cette incitation peut prendre la forme de coopérations artistiques et culturelles entre les lieux, de mutualisation des équipements et outils de production, de l’optimisation des déplacements, du partage des ressources techniques, de l’amélioration des performances énergétiques des matériels et équipements, etc.