Cette série de 3 textes est une réflexion approfondie pour repenser la politique culturelle de la Ville de Grenoble , en explorant les relations entre institutions, artistes et citoyens.
1 – Relier liberté artistique et création
2 – Relier l’excellence artistique aux droits culturels
3 – Relier les lieux et les transitions
L’excellence partagée : pratique et ouverture culturelle
Grenoble, ville universitaire et de recherche a développé depuis longtemps une image et une culture de l’excellence ! Un terme, sujet à caution, clivant parfois, qui ne fait pas l’unanimité, pourtant…
L’excellence se traduit chez les artistes (mais aussi les scientifiques, chercheurs, sportifs de haut niveau, etc.) qui décident d’aller explorer le plus intensément leur discipline pour la porter plus loin, plus haute, dans une maitrise acquise par une recherche approfondie et une pratique exigeante et assidue.
C’est quand l’excellence se referme sur sa supériorité qu’elle devient pouvoir et arrogance au service d’une classe sociale ou d’une institution. C’est quand elle est vilipendée comme facteur de domination et de discrimination, que la tentation du « tout se vaut » favorise le nivellement artistique propice au formatage de l’industrie culturelle.
Mais lorsque l’excellence ouvre de nouveaux espaces, suscite le désir, enseigne la maitrise d’un art ou d’une technique, alors elle se met en partage et devient un « bien commun » disponible pour toutes les cultures. Lorsqu’elle transmet un héritage rare et riche de l’apport des générations, elle contribue au maintien de la diversité culturelle, fait vivre la richesse d’un patrimoine vivant et en mouvement.
Partage et diversité : l’excellence comme bien commun
Privilégier le partage de l’excellence est une des manières les plus sensibles de promouvoir les droits culturels, qui prennent alors pleinement leur sens en évitant la tentation du repli des identités culturelles les unes contre les autres. Évitant les communautarismes, chaque culture peut exprimer le meilleur d’elle-même dans sa capacité à s’ouvrir à l’autre, à entrer en résonance, devenant ainsi un vecteur précieux de cette diversité qui rassemble plutôt qu’elle oppose.
Les hiérarchies se dissipent, les frontières deviennent capillarités, l’excellence est partagée dans une égale dignité. La culture met ainsi en pratique ses droits « transculturels ».
Pour cela il convient de privilégier les projets et manifestations créant des ponts et mettant « en regard », sans hiérarchiser, à la fois les cultures savantes et populaires, les expressions contemporaines et traditionnelles et urbaines, les arts de la scène et de l’espace public, les arts visuels et les cultures numériques, le cinéma et la littérature, etc.
Chaque discipline en présence, au lieu de créer des différences, crée des liens et des ressources disponibles pour les artistes, les publics et les citoyens.
Grenoble : des institutions culturelles trop cloisonnées
Pourtant les institutions et équipements culturels travaillent encore en silo, sans suffisamment d’interactions. Grenoble et sa métropole se répartissent les grands équipements culturels et d’enseignement artistique. A la Métro les grands équipements labellisés (MC2, Hexagone, CCNG, École d’art) et à la Ville le Musée, le Magasin, les TMG, CRR, Muséum, Bibliothèques etc. proposant un politique de l’offre.
Grenoble a une longue tradition de culture populaire qui s’est forgée par les mouvements d’éducation populaire. Pourtant, historiquement associé dans une dynamique commune, la culture s’est peu à peu institutionnalisée et professionnalisée se dissociant des mouvements d’éducation populaire assignés à des actions socioculturelles dans les réseaux des Maison des habitants, MJC, dans les quartiers prioritaires.
Vers une convergence entre culture et éducation populaire
Cette situation fait encore perdurer une culture à deux vitesses, créant encore aujourd’hui des tensions entre les pratiques culturelles légitimes consuméristes associées aux classes sociales aisés, et les pratiques d’animation socioculturelle reléguées dans les quartiers populaires ou s’incarnant dans des initiatives culturelles alternatives autogérées (squat, collectifs).
Pourtant, la convergence en œuvre entre la culture et l’éducation populaire brouille les pistes de distinction culturelle. Elle se traduit par des nouvelles porosités, des passerelles croissantes, des alliances entre ces deux secteurs portés par les artistes et acteurs culturels eux-mêmes, qu’il convient à la ville de promouvoir et d’accompagner.
Une véritable coopération entre la Ville et la Métropole, en lien étroit avec le Département et d’État, est indispensable pour encourager cette convergence et favoriser un « continuum » entre équipements de quartiers et structures labellisées, pratiques amateures et professionnelles, production et médiation, renouvellement des publics et dynamiques participatives.