Cette série de 3 textes est une réflexion approfondie pour repenser la politique culturelle de la Ville de Grenoble , en explorant les relations entre institutions, artistes et citoyens.
1 – Relier liberté artistique et création
2 – Relier l’excellence artistique aux droits culturels
3 – Relier les lieux et les transitions
1 – Dans le premier texte » Relier liberté artistique et création « , il examine comment la liberté artistique et la création peuvent être soutenues par les pouvoirs publics, en soulignant l’importance de préserver l’autonomie des artistes tout en favorisant une collaboration constructive avec les institutions municipales.
2 – Le deuxième texte, « Relier l’excellence artistique aux droits culturels « , aborde la notion d’excellence artistique en la liant aux droits culturels, proposant que l’accès à des œuvres de haute qualité soit considéré comme un droit pour tous les citoyens, indépendamment de leur origine sociale ou culturelle.
3 – Dans le troisième texte, » Relier les lieux et les transitions « , Thiebergien met en lumière l’importance de l’espace urbain et de sa relation avec les habitants, suggérant que l’art et la culture peuvent jouer un rôle clé dans la revitalisation des quartiers et le renforcement du tissu social en invitant les acteurs culturels à intégrer les préoccupations environnementales dans leurs pratiques et à contribuer ainsi à une prise de conscience collective des enjeux écologiques.
Grenoble, une richesse créative mais fragile
Grenoble s’est forgé, au fil du temps, une image de ville de création et d’innovation (sociale, technologique, industrielle). Outre ses équipements culturels, la Ville possède un vivier de créateurs, d’auteurs, d’artistes, de compagnies, de collectifs, d’acteurs culturels, toutes disciplines confondues. Qu’ils soient reconnus nationalement ou internationalement, ou qu’ils travaillent au cœur des quartiers, voire les deux, ils contribuent à l’image de Grenoble, ville culturelle dense et foisonnante.
Pourtant, la création est fragile. Les conditions du renouveau des œuvres, de la construction de nouveaux imaginaires collectifs, ne peuvent exister si les conditions de la création artistique, du temps de l’expérimentation, de l’émergence de formes nouvelles, ne sont ni réunies ni garanties par la puissance publique.
Dans le contexte actuel de raréfaction des financements institutionnels, le soutien à la création doit rester prioritaire même si sa « rentabilité » politique n’est pas visible immédiatement. Car sans le soutien aux créateurs, pas de renouvellement des œuvres. Sans œuvre, pas d’éducation artistique ni d’action culturelle. Sans EAC, pas de développement de la sensibilité et des pratiques artistiques, de la pensée critique, de la confrontation et du partage des valeurs, d’élargissement des publics…
Enjeux et responsabilités de la Ville
La politique culturelle de la municipalité se joue à deux niveaux, à la fois vis à vis de ses grands équipements culturels dont elle a la charge directe ou partagée (Musée, Bibliothèques, Museum, Magasin, etc.) et le soutien qu’elle apporte au « milieu culturel », c.a.d. aux artistes, collectifs et associations, compagnies, acteurs culturels indépendants, mais aussi aux initiatives culturelles de ses habitants. Ces deux niveaux doivent trouver leur équilibre, chacun jouant un rôle complémentaire en fonction de leur mission respective, entre patrimoine, création et service public.
Pourtant, comme beaucoup de collectivités, la Ville a été tentée peu à peu, au fil de la décentralisation, de devenir productrice de ses propres événements culturels. La question de la « municipalisation » de la culture, au-delà de ses propres équipements, représente un enjeu sensible qui pose la question du rapport qu’entretient la Ville avec le milieu artistique, culturel et associatif et les citoyens vivant sur son sol.
Ce rapport ne doit pas se traduire par une « externalisation » de ses missions et de ses responsabilités de service public auprès du milieu culturel, devenant de fait simple « prestataire de service », répondant à des appels d’offre publics.
La responsabilité de la Ville est avant tout de repérer sans discriminer, d’accompagner sans imposer, de donner des perspectives sans orienter, de soutenir et évaluer sans discriminer. L’inévitable et nécessaire « frottement » entre la Ville et les milieux artistique, culturel et associatif est source d’enrichissement mutuel et ne doit pas pénaliser la qualité de la relation partenariale dont la dégradation peut très vite générer un climat de défiance contre-productif.
Le dynamisme et le foisonnement culturel de la Ville est directement lié à la « liberté d’entreprise culturelle », à l’autonomie artistique, à l’indépendance éditoriale. La Ville doit être garante de cette liberté de création (qui est d’ailleurs inscrite dans la loi !).
Une relation de confiance
C’est sur la base de la confiance que doit s’établir la relation partenariale entre les services culturels et le milieu artistique et culturel. Elle doit s’incarner à travers des objectifs co-construits, partagés et « contractualisés » dans le respect des identités et du pluralisme des porteurs de projets et des initiatives locales.
La responsabilité de la Ville est de privilégier les « financements croisés » avec les autres collectivités et l’État, à travers des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens. Ils ont le triple mérite de mobiliser les autres partenaires et collectivités dans les projets culturels de la commune, de répartir leurs coûts de fonctionnement, de sructurer les objectifs et de garantir une meilleure stabilité à moyen terme aux porteurs de projet.
Ils leur donnent le temps nécessaire au processus de création, d’expérimentation, au développement de leurs activités de sensibilisation et de participation de leurs publics, et d’ancrage dans leurs zones d’implantation et de rayonnement.
Cette politique est d’autant plus efficace que les structures indépendantes résistent mieux que les institutions aux situations de crises. Leur souplesse et capacité d’adaptation leur permet de promouvoir des modèles culturels originaux, en phase avec les mutations sociales et aux évolutions des pratiques culturelles des citoyens. Modèles dont s’inspireront ensuite les grandes institutions et les collectivités publiques…