Une place pour la culture dans le débat politique (partie 2)

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Après avoir exploré dans un premier article la nécessité d’une politique culturelle et ses liens avec les partis pris idéologiques, cette seconde partie s’intéresse au rôle crucial des médiateurs culturels et à l’importance d’une participation citoyenne active.

La place des médiateurs

Entre une pratique artistique et culturelle qui vise une qualité optimale et ceux qui cherchent à l’intégrer – et sont prêts pour cela à certains sacrifices – il faut des médiateurs. Dans la culture, les médiateurs sont évidemment les artistes, les acteurs et les éducateurs, c’est-à-dire les porteurs d’une vraie éducation populaire. Dans tout domaine où se fait jour un important souci de perfection, c’est aux agents actifs dans le domaine qu’il faut s’en remettre pour déterminer une politique d’aide. C’est eux qui savent le mieux ce dont ils ont besoin pour faire fructifier leur art. Il n’y aura donc pas de politique culturelle efficace sans qu’on mette en son centre les médiateurs en question.

Ils ne sont évidemment pas désignés à vie. On doit pouvoir trouver les mécanismes qui président à leur renouvellement, en fonction des nouvelles formes d’art et de culture qui se développent à un moment donné. Noter que ces nouvelles formes apparaissent en général dans un contexte constitué des nouvelles problématiques sociales, c’est la raison pour laquelle il n’est nul besoin de vouloir imposer des cadres idéologiques ou des obligations à se comporter selon telle ou telle thématique : ces thématiques viennent à l’art et à la culture spontanément.

Attirer de nouveaux participants

Il arrive toujours le moment où l’on se pose la question de comment faire en sorte que les habitants soient attirés par les œuvres ou les pratiques culturelles, ou de façon plus générale attirés par les débats politiques. Sur le premier point, évidemment, il y a le prix des places ou des accès aux œuvres.

Une politique de gratuité doit être mise en place, mais de gratuité active, non passive. Rien ne sert de rendre l’accès à un musée gratuit si on ne fait pas d’effort pour montrer aux habitants ce que ce musée renferme et qui peut les intéresser ou les séduire. Il faut qu’une politique d’intervention dans tous les milieux complète une politique de gratuité. Comment opérer cette gratuité : ce n’est pas nécessairement d’une gratuité générale qu’il s’agit, souvent une gratuité ponctuelle suffit, ainsi qu’une politique de distribution de billets gratuits dans les milieux populaires qui n’ont pas l’habitude d’accéder aux soi-disants « temples de la culture ».

Par ailleurs, si la culture demande des sacrifices au public (en temps, en énergie), elle en demande aussi à ses acteurs premiers, acteurs et comédiens par exemple, qui doivent savoir intervenir souvent gratuitement ou à moindre coût s’ils ont l’espoir de pouvoir continuer leur mission.
Sur le deuxième point, il faut savoir que personne n’aura envie de se joindre à une discussion politique tant que celle-ci sera accaparée par des gens qui s’estiment experts en la matière, et qui mettent au premier plan des questions de personne ou de politique « politicienne ».

Le débat politique doit s’organiser en parlement où toutes les voix sont audibles et légitimes, et où les prétendus experts doivent en premier lieu savoir se taire.

Indispensabilité de la culture

La culture est indispensable. Pourquoi ?

Les analyses critiques les plus pertinentes aujourd’hui en matière de risque climatique, de disparition de la biodiversité, d’effondrement du cadre de vie mettent en évidence la responsabilité des habitudes consommatrices liées à un capitalisme qui semble s’étendre sans limite.

Une inversion éventuelle d’un tel processus reposerait grandement sur des changements d’attitude des consommateurs face à des notions comme celles de richesse ou de bonheur, c’est-à-dire par l’adoption de la part des humains d’une conception frugale du bonheur qui privilégie la contemplation, l’attention à l’autre et la création, toutes valeurs qui forment le contenu essentiel de la culture. Le metteur en scène Olivier Py a également dit récemment le rôle essentiel des œuvres d’art, y compris opéras et dramaturgies, en tant que devant servir d’exemples aux intervenants politiques qui se contentent de plus en plus d’un débat pauvre et stérile.

Cultures et culture

On oppose souvent « cultures » et « culture » alors qu’en fait il y a ici homonymie de deux concepts, l’un rattaché au domaine anthropologique : les cultures sont les différentes manières de vivre attachées à des communautés nationales, ethniques ou tribales, et l’autre au domaine de la vie, et notamment de la vie de l’esprit en général.

Parler de « la » culture n’est en aucun cas manière de mépriser « les » cultures : on ne parle tout simplement pas de la même chose. La culture vise à un domaine de l’universel, auquel toutes les cultures ont accès. Le Mahabharata de la culture hindoue, le théâtre nô du Japon, la musique arabe andalouse visent ce domaine tout autant qu’un drame de Shakespeare ou une symphonie de Beethoven.

En conclusion

Les débats qui ont lieu dans un cadre de réflexion politique doivent donc donner toute sa place à la culture, à la fois comme modèle de médiation sociale entre les acteurs de la société et comme recherche active de ce qui fonde leur action, ainsi que comme outil de réflexion, et de résistance à l’ordre envahissant de la marchandise (et généralement de toutes les formes de réception fétichisées).